Perdue dans les montagnes de la province de Bolu, en Turquie, une ville fantôme au charme étrange défie les lois de la logique. Près de 580 mini-châteaux, érigés dans un style qui évoque les contes de fées de Disney, s’étendent sur les collines. Ces résidences luxueuses, aux toits pointus et aux tourelles élégantes, devaient devenir un complexe résidentiel exclusif. Aujourd’hui, elles ne sont qu’un témoignage silencieux d’un rêve immobilier devenu cauchemar.
Le début d’un rêve grandiose : naissance du projet Burj Al Babas
L’histoire du projet Burj Al Babas commence en 2014, lorsque le promoteur immobilier Sarot Group lance un projet ambitieux. L’objectif ? Construire 732 châteaux identiques dans les montagnes, à proximité de la mer Noire, et les vendre à des acheteurs fortunés. Les prix allaient de 350 000 à 440 000 euros pour chaque unité, offrant aux futurs propriétaires un cadre de vie prestigieux et luxueux.
Le plan ne se limitait pas aux châteaux. Les développeurs voulaient créer une véritable communauté de luxe, comprenant un centre commercial, des salons de beauté, des bains turcs, une mosquée, et même une salle de cinéma. En tout, plus de 200 millions de dollars ont été investis dans ce projet pharaonique qui promettait de révolutionner le marché immobilier turc.
Les obstacles qui ont fait basculer le rêve dans le cauchemar
Malgré les ambitions démesurées du Sarot Group, la réalité s’est rapidement imposée. Le projet a rencontré plusieurs obstacles qui ont contribué à son échec :
- Protestations des habitants locaux : De nombreux résidents de la région se sont opposés au projet, craignant que l’urbanisation massive ne porte atteinte à l’environnement.
- Crise économique : La chute des prix du pétrole en 2016 a affecté les investisseurs étrangers, principalement issus du Moyen-Orient, qui étaient les principaux acheteurs ciblés.
- Endettement des promoteurs : En 2019, le Sarot Group a été contraint de geler le projet, endetté à hauteur de 27 millions de dollars. Les ventes conclues ont été annulées, et la construction a été stoppée net.
Résultat : sur les 732 châteaux prévus, environ 580 sont restés inachevés, laissés à l’abandon, avec des façades blanches éclatantes mais des intérieurs jamais aménagés. Ce qui devait être une destination de luxe est désormais une ville fantôme, où les maisons vides se dressent comme des symboles de l’excès immobilier.
Une ville fantôme surréaliste dans les montagnes de Bolu
En se promenant parmi ces résidences identiques, on a l’impression de déambuler dans un parc d’attractions déserté. Les châteaux, bien que grandioses, évoquent une étrange uniformité, donnant au lieu une atmosphère presque dystopique. Les escaliers en colimaçon, les balcons et les tourelles ornementales ajoutent au sentiment d’inachevé, comme si le temps s’était arrêté au milieu d’un rêve irréalisable.
Ce n’est pas la première fois qu’un projet immobilier ambitieux s’effondre en Turquie, mais Burj Al Babas se distingue par l’ampleur de son échec. Les investisseurs n’avaient pas anticipé l’impact des fluctuations économiques et la complexité du marché immobilier dans une région éloignée. Les acheteurs potentiels, découragés par les incertitudes économiques, se sont progressivement désistés, laissant le projet sans financement pour poursuivre les travaux.
Le phénomène des villes fantômes dans le monde : une tendance inquiétante
L’échec de Burj Al Babas n’est pas un cas isolé. De nombreux projets immobiliers pharaoniques à travers le monde ont subi un sort similaire :
- Forest City, Malaisie : Prévue pour accueillir un million de personnes, cette ville futuriste est aujourd’hui pratiquement vide, malgré un investissement de 100 milliards de dollars.
- The World, Dubaï : Un archipel artificiel censé reproduire une carte du monde. Le projet, évalué à 11 milliards d’euros, reste en grande partie inachevé, les îles étant encore à l’état brut.
- Ordos, Chine : Connue sous le nom de “ville la plus vide du monde”, Ordos a été construite pour un million d’habitants, mais n’en accueille qu’une fraction.
Ces projets témoignent d’une course à l'<strong’urbanisation excessive, où les rêves de grandeur se heurtent aux dures réalités économiques et aux imprévus financiers. La ville fantôme de Burj Al Babas incarne cette tendance, montrant que même les visions les plus grandioses peuvent s’effondrer lorsque les fondations économiques vacillent.
Un avenir incertain pour Burj Al Babas
La question demeure : que faire de ce complexe fantôme ? Pour l’instant, aucune reprise des travaux n’est prévue, et le Sarot Group peine à trouver des investisseurs prêts à sauver le projet. Les autorités locales réfléchissent à des solutions, telles que la reconversion des châteaux en hôtels ou centres de loisirs, afin de redonner vie à cet endroit désolé.
Malgré son abandon, Burj Al Babas attire les curieux et les amateurs d’exploration urbaine. Certains voient dans cette ville fantôme un lieu poétique, symbole des excès de l’immobilier moderne. Reste à savoir si ce rêve architectural pourra un jour renaître de ses cendres, ou s’il restera à jamais un témoignage des ambitions démesurées du début du XXIe siècle.